La réputation d'entreprise n'est pas un concept récent. Des les années 1920, le baron de l'industrie américaine Henry Ford disait "deux choses n'apparaissent pas au bilan d'une entreprise, sa réputation et ses hommes" mais aussi "Une entreprise qui ne crée que de l'argent est une mauvais entreprise". La nécessité de voir plus loin que les résultats financiers pour assurer la pérennité d'une entreprise n'est donc pas nouvelle.
En revanche, la gestion de la réputation telle qu'elle a émergé comme principe de mesure et gestion des impacts de l'activité de l'entreprise sur ses différents publics est à la fois beaucoup plus récente et nébuleuse.
Une recherche du terme sur Google produit des résultats particulièrement divers, dominés par la veille et la gestion de crise - un épouvantail vendeur mais court-terme et nécessairement occasionnel sans aucun rapport avec une stratégie de construction axée sur la durée - mais aussi suppression de commentaires négatifs, SEO, gestion de risque, web marketing et bien d'autres facettes extrêmement partielles d'une réalité beaucoup plus importante et globale.
Définir la réputation d'une entreprise
La peur d'un commentaire négatif sur Internet est la principale source d'intérêt pour la gestion de la réputation. Alors qu'il a été prouvé qu'en accroissant leur notoriété, les commentaires négatifs peuvent être bénéfiques aux petites entreprises et aux produits méconnus.
Avant de définir le type d'impact que les réseaux sociaux, problèmes de gouvernance ou catastrophes naturelles peuvent avoir sur
la réputation d'une entreprise, soyons clair sur ce que signifie réellement ce terme.
L'image est l'ensemble des associations que vous cherchez à construire autour de votre marque et vos produits au moyen de logos, slogans et publicités mais aussi au travers de votre communication et d'autres aspects de votre marketing (évènements, sponsorings ...). Quand une personne entend votre nom, elle pense à la nature, au gout, à la performance, à la fiabilité, à la sécurité, au plaisir, à l'exotisme ... autant d'éléments de l'image qu'une entreprise cherche à accentuer ou diminuer en fonction de sa cible.
La réputation, quant a elle, est la somme des perceptions de votre entreprise par l'ensemble des constituants de vos différents publics (vos employés, vos clients, vos partenaires, vos concurrents ...) relativement d'une part à l'image que vous projetez et d'autre part aux attentes que ces personne formulent à votre égard. Elle est déterminée par les
actions passées et la
probabilité d'un comportement futur.
Par exemple, nous savons tous que les entreprises de certains secteurs (microélectronique, énergie ...) polluent énormément mais sommes malgré tout en droit d'attendre qu'elles se préoccupent de cette pollution et y trouvent une solution. Lorsque ce n'est pas le cas, la confiance accordée à l'entreprise diminue et ce d'autant plus que la personne portant jugement est sensible au sujet et que l'entreprise a communiqué activement pour se constituer une image de défenseur de la nature.
L'image se construit par des
messages, la réputation par des
relations et des
faits. L'entreprise peut chercher à faire évoluer son image dans le temps mais elle ne peut que tenter de maximiser sa réputation auprès des divers groupes de parties prenantes.
Et alors ? Est-ce qu'on ne s'en fiche pas un peu ?
Permettez-moi de me faire l'avocat du diable, la question est tout de même légitime. Après tout, le but principal d'une entreprise est de créer du profit pour nourrir ses employés et rémunérer le risque de ses investisseurs, non ? Si le public ne veut pas de marée noire, qu'il arrête de rouler en voiture, non ?
Ne vaut-il pas mieux se préoccuper de ses comptes que de sa réputation ?
C'est d'ailleurs la question polémique que posait récemment le sérieux
The Economist dans l'article
"What’s in a name? Why companies should worry less about their reputations" de la rubrique Schumpeter, concluant
"Happiness is the incidental by-product of pursuing some other worthy goal. The same can be said of reputation." (le bonheur est l'effet de bord accidentel de la recherche d'un autre but louable. La même chose peut-être dite de la réputation).
Et bien, non ! Laissant de côté l'éthique et la philosophie, le fait est que toutes les entreprises, quelles que soient leur taille, leur localisation et leur activité, opèrent dans un environnement où les membres du public sont plus informés que jamais (je n'ai pas dit "mieux"), expriment plus largement leur opinion et fondent leurs décisions d'achats sur de plus nombreux critères que la simple qualité du produit ou la performance financière.
Alan Greenspan, ancien président de la réserve fédérale américaine l'exprime en ces termes
"Dans un marché basé sur la confiance, la réputation a une valeur économique très importante" et Schumpeter lui-même concède
"La valeur boursière des entreprises est de plus en plus déterminée par par des choses que vous ne pouvez toucher: leurs marques et leur capital intellectuel, par exemple, plutôt que par leurs usines ou leurs parcs de camions. L'idée d'une économie de la réputation a du sens intuitivement : Facebook vaut plus que General Motors.".
Les nombreuses études consacrées au sujet (
Baromètre de confiance d'Edelman en tête) illustrent clairement les variations géographiques, démographiques et temporales des critères influant sur la réputation mais prouvent aussi le poids conséquent de leur impact sur la santé financière des entreprises jugées.
Et les notations de marques (particulièrement celle d'
Interbrand) prennent en compte de nombreux critères liés à la réputation (authenticité, réactivité, cohérence, compréhension du public ...).
Sur un plan extrêmement pragmatique, concentrer ses efforts sur la seule qualité/désirabilité des produits ne laisse que
le prix de commercialisation comme levier pour lutter avec sa concurrence. Le prix est de loin le moins bon différenciateur et ne peut qu'affaiblir une marque ou même un secteur.
Impact financier de la réputation d'entreprise
L'erreur la plus commune en gestion de la réputatoin est de ne s'intéresser qu'au point de vue des clients parce que ce sont eux qui achètent les produits. Si cette approche était correcte, une bonne image serait souvent la garantie de bonnes ventes, le public étant souvent plus influencé par un phénomène de désir pour un produit que par des considérations sociétales (le succès commercial d'Apple est un bon exemple).
Or, dès qu'une entreprise doit s'appuyer sur des partenaires, des investisseurs, des gouvernements, des banques, des communautés locales (etc ...) pour exercer son activité, la confiance qu'accordent ces
parties prenantes déterminent fortement les résultats financiers. Et c'est sans mentionner les employés qui peuvent être motivés par une politique d'entreprise dynamique et une communication interne stimulante ou des poids morts peu productifs et à la recherche d'alternatives dans le cas contraire.
Certaines agences spécialisées ont évalué le poids de la réputation à près de
70% de l'actif immatériel de l'entreprise et à
près de 2/3 de sa valorisation boursière !
La réputation concerne aussi les petites entreprises
Ce discours ne doit pas laisser penser que seuls les grands groupes en prise avec des ethnies exotiques et de distants groupuscules religieux doivent se préoccuper de leur réputation.
Le terme de
partie prenante pèche par son abstraction et même la plus petite entreprise mono-employé doit se soucier de ce que pensent d'elle ses clients, sa banque préteuse, ses voisins et ses fournisseurs (par exemple).
La
confiance est le maitre mot de la réputation. Un électricien de quartier peut se servir librement chez un fournisseur, faire un geste à la caisse et filer à son chantier ou bien attendre dans la longue file d'attente avec les bricoleurs du dimanche et perdre quotidiennement des heures. La seule différence est liée à la confiance que lui accorde le fournisseur.
De même, un gestionnaire de portefeuille s'intéressera à bien plus qu'un bilan financier pour décider d'un prêt ou d'un investissement pour développer le projet R&D innovant d'une grosse PME.
Et, même pour ce qui concerne exclusivement la clientèle, il est impératif de voir plus loin que la qualité et l'attractivité des produits. Dans un environnement concurrentiel, la supériorité financière se base sur la loyauté à long-terme et donc la capacité de l'entreprise à conserver des clients bien au delà du simple acte d'achat initial. Chez PR•ROOMS, lorsque nous vendons un communiqué enrichi, nous espérons toujours que le client y verra suffisamment d'intérêt pour ensuite s'intéresser à une newsroom et qu'elle l'utilisera de très nombreuses années.
Il en va de même avec presque toutes les entreprises, taille, géographie et secteurs confondus et la qualité du suivi client, les actes qui accompagnent la vie d'entreprise et la qualité de la communication sont tout aussi importants que les produits dans cette optique.
Un avantage concurrentiel
Une enquête récente de Burson-Marsteller a montré que 95% des dirigeants interrogés pensent que la réputation joue en rôle important ou très important dans l'atteinte des objectifs de leurs entreprises mais que seuls 19% avaient mis en place une stratégie de mesure et gestion de la réputation.
Mettre en place une telle stratégie donne a son auteur un très fort avantage concurrentiel.
Une stratégie pour construire sa réputation ?
Les meilleures pratiques s'appuient sur une définition de la réputation comme agrégat de :
- La performance (innovation, qualité des produits, approvisionnement sain, capacités technologiques, résultats financiers, RSE - responsabilité sociétale et environnementale)
- Le comportement, c'est à dire les politiques d'entreprises et les actes des dirigeants relativement à l'image de marque et les valeurs affichées
- La communication, en particulier l'expression des objectifs, de la raison d'être et de la vie de l'entreprise ainsi que son ouverture au dialogue avec ses différents publics.
De cette définition de travail découlent trois règles incontournables pour la construction de la réputation :
- Une vision long-terme : l'identification des besoins et attentes des différents publics nécessite du temps et ses résultats changent dans le temps, nécessitant une réadaptation régulière. De plus, pour que les faits et actes de l'entreprise laissent des impressions favorables dans les esprits, de nombreuses répétitions sont nécessaires (entre 5 et 15 pour produire un impact). Une bonne action ponctuelle ne constitue pas une bonne réputation.
- Une politique de réputation homogène pilotée au plus haut-niveau de l'entreprise : l'alignement de la stratégie d'entreprise avec son environnement implique une cohésion de tous les services (R&D, commercial, suivi client, RSE, communication et marketing ...) Les incohérences diminuent l'efficacité de l'ensemble en réduisant l'alignement des messages et la confiance.
- Une communication cohérente entre l'expression de l'image de marque, de l'actualité de l'entreprise et des actions d'engagement vis à vis des différents publics. Une campagne de bénévolat localisée au milieu d'un océan de mauvaise volonté perçue passera plus pour un sparadrap hypocrite que comme une preuve d'authenticité de l'engagement de l'entreprise dans une politique saine et claire.
Construire une réputation implique donc une stratégie long-terme de réflexion sur la meilleure manière d'appliquer la stratégie d'entreprise à travers tous les départements pour prendre en compte les avis de tous les groupes impactés par cette stratégie dans les décisions et pour communiquer ces décisions de la plus cohérente et transparente possible.
Les sujets abordés, avis collectés et impacts sur la stratégie dépendent en grande partie des publics identifiés : les faits parleront pour l'artisan auto-employeur alors qu'une communication très active sera nécessaire pour une entreprise plus grande.
Quels risques de réputation ?
Comme pour le marketing ou la communication, la principale source d'échec provient de plans insuffisamment
intégrés à la stratégie de l'entreprise.
Un plan marketing n'entretenant pas de lien étroit avec la mission, le modèle de tarification et le modèle commercial est , sans surprise, voué à l'échec. De la même manière, la gestion de la relation avec les différents publics ne peut pas être conçue séparément des initiatives publicitaires, de la stratégie de RSE, des relations presse, du suivi client, des RH, du service juridique ... Les dirigeants doivent détruire les silos opérationnels empêchant les divers départements de lier leurs initiatives respectives (communication, commercial, marketing ...) au plus stratégie global et l'équipe dirigeant doit absolument comporter un membre du département de la communication.
Considérer le risque de réputation comme un risque conséquent à un dysfonctionnement (accident, scandale, catastrophe naturelle, attaque sur un réseau social ...) plutôt que comme un risque à part entière est un corollaire du paragraphe précédent tout aussi dangereux. La réputation n'est pas - comme Schumpeter le suggère - la conséquence d'autres actions. Elle découle d'une stratégie dédiée à part entière et l'
absence de volonté interne de faire passer la réputation avant d'autres sujets et LE principal risque qu'on peut lui faire courir.
Un
écart entre l'image projetée - par de la communication (logos, slogans, messages, prises de parole ...) - et
l'image perçue - au travers de faits - est susceptible de dégrader significativement la confiance en l'entreprise. La communication non transparente et les disparités entre discours officiels et pratiques réelles sont à la source de nombreuses crises de réputation.
Dans ce contexte, il ne faut pas sous-estimer avec quelle puissance les
réseaux sociaux peuvent amplifier ces dénonciations. L'impact de la tant redoutée critique publique dépend bien plus de la transparence de l'entreprise ciblée que de la pseudo influence de son auteur. Une critique isolée se noiera vite dans la masse de commentaires si elle n'est pas fondée. Mais elle trouvera sur Facebook ou Twitter un écho financièrement désastreux si l'avis est partagé par un grand nombre.
La
communication RSE, qui passe souvent pour une vision à l'eau de rose du monde des affaires, joue un rôle important pour assurer une bonne perception des valeurs de l'entreprise. Si l'entreprise s'engage dans des programmes de RSE - aussi modestes soient-ils - il est essentiel de les cibler intelligemment pour qu'ils correspondent à l'activité de l'entreprise et aux attentes des ses publics. Il est également primordial d'en communiquer les résultats aussi ouvertement que possible.
Il n'y a aucun mal à parler de ses bonnes actions si elles sont réelles. Continuons les citations de grands chefs d'entreprises avec celle de John D. Rockefeller "Next to doing the right thing, the most important thing is to let people know you are doing the right thing." (A part faire faire le bien, il n'y a rien de plus important que de faire savoir aux autres que vous faites le bien). En revanche, les messages ronflants dénués d'authenticité sont évidemment à proscrire à tout prix. Il est de la responsabilité des communicants de conseiller leur hiérarchie à ce sujet.
Dans les faits,
l'ensemble des interactions avec une entreprise déterminent la confiance : l’historique de ses contacts "physiques" (contact commercial, utilisation des produits, service après vente), les messages en provenance de l'entreprise (publicité, publireportages, évènements, conférences, actualité, newsletters, profils sociaux ...), les messages de tiers (blogueurs, médias, discussions sur les réseaux et forums, bouche à oreille ...) véhiculent chacun des valeurs et forment des impressions pour le long-terme.
Tous ceux émis par l'entreprise présentent l'intérêt d'être contrôlables et permettent une grande créativité. Mais leur efficacité a fortement diminué au cours de la dernière décennie, du fait de l'infobésité qui frappe tous les internautes et la très
forte concurrence pour l'attention à laquelle font face les entreprises (concurrence entre elles mais également avec les amis, la famille, les collègues et les autres contacts et centres d'intérêts des destinataires).
Les
communications favorisant le sentiment d'appartenance (newsletters, dialogues sociaux) et
véhiculant l'expertise et la bonne conduite (blogs, newsrooms, contenu de marque, livres blancs) sont devenus un complément indispensable, probablement plus importante que la construction d'image. Pour certaines marques très fortes (Apple, Coca Cola, Google ...) gérer la réputation peut paraître moins important, mais il n'en est rien et même la pomme a doublé en 2012 les salaires de ses fournisseurs chinois pour contrer les critiques formulées sur sa politique de sous-traitance.
Faire supprimer un commentaire négatif par une entreprise spécialisée est à la fois risqué (effet Streisand) et très coûteux. Il est beaucoup plus sain d'utiliser tous les outils à la disposition de l'entreprise pour communiquer - via son actualité et son contenu de marque) - sur les sujets qui construisent la réputation : éthique, environnement de travail, performance financière, gouvernance, RSE, fiabilité/qualité des produits, suivi client) et d'engager des discussions actives avec ses publics via les réseaux sociaux, les forums, les commentaires sur votre site, les newsletters, ... pour bien connaitre
leur intérêts, leurs besoins et leurs attentes.
Ressources complémentaires